La brève du scribe en lotus…
L’agilité du singe dans la jungle
Petite escapade dans la faune sauvage aujourd’hui. J’ai redécouvert mes origines lémuriennes à l’aune d’une lecture de l’écrivain (et médium) mauricien, Malcolm de Chazal. A l’instar du Réunionnais Jules Hermann, Malcolm soutenait que les terres immergées de Madagascar et de nos îles Mascareignes étaient les vestiges du continent antédiluvien disparu de La Lémurie…
Bon. Le Lémurien dont je veux vous parler ici n’a rien à voir avec une Atlantide tropicale, ni avec les adorables petits singes de la Grande Ile : il réside dans nos têtes…
Le yoga classique a ses préceptes. En principe, je n’aime pas trop être dans une boîte. D’abord, on y travaille, dans les “boîtes”. Et puis elles sont faites pour enfermer. Ou séparer des autres (ce qui revient au même). Pourtant, certaines recèlent des trésors. Dans le recueil millénaire des 195 “aphorismes du yoga” (ou Yogasutras) du sage Patanjali2, on découvre (en n°2) ce joyau en sanskrit :
Yoga citta vritti nirodhah.
Il signifie :
Le yoga est l’arrêt des fluctuations du mental.
Vous ne voyez sans doute pas encore le rapport avec les petits ou les grands primates… L’idée de “l’esprit de singe” vient du bouddhisme. Le terme a été adopté par les yogis pour décrire notre esprit qui saute d’une pensée à une autre, comme un singe de liane en liane : une métaphore de l’animation de fête foraine qui règne dans notre boîte crânienne. Compter les images bruyantes qui s’y balancent dans une journée est mission impossible. En mesurant par imagerie cérébrale IRM chaque “transition”, comme une sorte de ponctuation entre nos différents blocs de pensées, des chercheurs ont dénombré 6200 sauts quotidiens. De quoi être saoulé de jouer à Tarzan !
De l’aphorisme n°2, j’adore le mot ”vritti “. Il signifie tourbillon, fluctuation.
1 “Pétrusmok”, 1951.
2 En réalité, plusieurs mains édifièrent ce classique.
3 Études sur les “vers de pensées” de l’Université Queen’s au Canada.
“Vritti, vritti”, vritti…” On le ressent de suite, le petit manège de notre esprit de singe. Il nous embarque dans un carrousel infernal autour de notre arbre. “Et traînée par la foule qui s'élance et qui danse, une folle farandole, je suis emportée au loin. Et je crispe mes poings, maudissant la foule de mes pensées qui me vole la sérénité qu'elle m’avait donnée que je n'ai jamais retrouvée…”
Jamais ? Faux ! Notre yoga arrive, perché sur son éléphant blanc, et ses pas
silencieux ébranlent nos carrousels dévastateurs : là où il passe, l’agitation trépasse. Les pratiques d’asana et de pranayama nous alignent sur le présent. Or, l’esprit de singe ne peut pas exister dans le moment présent. Animal sauvage et vorace, notre mental n’est jamais rassasié de désirs et de projections. Il fréquente résolument le passé ou le futur, ces endroits très mal famés. Or, dans la jungle de nos pensées, la présence au souffle et à la résonance des postures dans notre corps nous révèlent “l’instant de vérité”. Assis en tailleur sur ta branche (choisis-en une assez large de préférence), tu es “dans l’instant”. Et là, toutes les mangues bien mûres et juteuses de la Création te tombent dans les pattes sans coup férir !
Comme je vous le disais en introduction, j’ai redécouvert mes origines lémuriennes. Elles me tiennent à cœur. Insane ou visionnaire, à l’instar de Jules ou de Malcolm, je suis une digne membre de la Société des Lémuriens en Terres Mascarines !
Car dans cette île intense, je ressens moi aussi l'ineffable : « Vues de la mer, nos montagnes sont comme taillées en dents de scie. Elles paraissent artificielles.
Approchez-vous et tout change. (…) Ces montagnes sont « habitées ». Les
anciens auraient parlé des « dieux ». Il ne s’agit que des « fées »...
L’indicible est magie.
En revanche, les petits vilains sans queue ni tête qui me crient entre les oreilles 6200 sujets par jour, je préfère les tenir en cage. Et je laisse aux vrais singes la liberté de se mouvoir avec grâce dans la jungle.
Yodalex
“A quoi pensez-vous lorsque vous ne pensez pas ?”
Malcolm de Chazal
